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replay, restitution, recréation

Colloque aux Archives Nationales le 05 novembre 2015

Pour une typologie de la reprise des archives

Raphaël Faon, artiste-chercheur à l’EHESS, associe l’archive à son versant imaginaire. L’archive répond à une stratégie double et paradoxale, qui se place à la fois dans le désir de détruire et de garder. Mais elle est aussi « architecturée », à l’instar des considérations spatiales sur le « White Cube » de Brian O’Doherty. Elle incarne tout à la fois un lieu de mémoire et un lieu de pouvoir. Raphaël Faon nous rappelle à ce titre que Derrida associe à l’idée d’archivage sa destruction inéluctable : « J’expose le papier à sa perte ». L’artiste-chercheur pose ainsi la question de la « survivance » de l’œuvre d’art face à la fragilité du temps de l’exposition. Les archives sont empreintes d’un archipel imaginaire, et les documents peuvent être employés comme matériaux sur d’autres œuvres (Pascal Convert réutilise des fragments vidéo extirpés d’œuvres passées, par exemple). Raphaël Faon insiste ainsi sur le point de bascule entre l’imaginaire de l’archive et la hantise, la crainte de trahison, pour faire émerger une sorte d’ « inconscient de l’archive ». Notre regard de spectateur est aussi « dicté », orienté par les injonctions de la présentation (comme en témoignent les « faux documents » de Joan Fontcuberta). Les cartels d’exposition font « croire » que les documents exposés sont vrais. Ainsi, la rémanence des « images-fantômes » induit-elle une violence de l’arrachement, un « accident » révélateur de l’archive elle-même.


Je présenterai mes travaux dans le cadre de cette journée d'étude. Mon intervention, intitulée « le versant imaginaire des archives », aura lieu à 11h et sera l'occasion de revenir sur les archives comme matériau, méthode de travail et mode de présentation pour l'art contemporain, ainsi que sur les significations possibles de ces usages multiples.


Le projet « Replay, restitution, recréation... Pour une typologie de la reprise des archives » réunit cinq institutions (les Archives nationales, le laboratoire « Arts des images et art contemporain-EA4010 » de l’Université Paris-VIII, le Centre national des arts plastiques, le Centre national de danse contemporaine d’Angers, et l’École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy), mêlant scientifiques, archivistes et artistes décidés à se saisir du patrimoine archivistique portant la trace de créations artistiques disparues, afin d’explorer les modalités d’une possible réactivation des œuvres.




Le désir de garder est aussi inséparable du désir de détruire. C'est que garder, c'est perdre. Si pour garder la trace de ce qui se passe maintenant, je prends une note pour ne pas l'oublier, je l'inscris sur du papier, et je la mets dans ma poche. Si ça s'arrête là ça veut dire que je perds, que j'expose le papier à sa perte. Pour garder, il faut que j'expose à la perte. Cette exposition à la perte, c'est un geste double dont la dualité est irréductible. Vouloir garder en mémoire, c'est exposer à l'oubli. C'est ce que j'appelle "le mal d'archive". Il y a la souffrance liée à l'archive et le désir d'archive. C'est le désir d'archive qui traverse cette expérience de la destructibilité radicale de l'archive.

Jacques Derrida, « archives et brouillons », Pourquoi la critique génétique? Méthodes, théories, Paris, CNRS, 1998




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